Lamentations post-FICFA

LA DESCENTE DE CROIX (DÉTAIL), ROGIER VAN DER WEYDEN © MADRID, MUSÉE DU PRADO


J'ai d'abord pensé appeler ce dernier texte : Retour vers le FICFA. Comme une joke plate avec Back to the Future, mais même moi je ne l'ai pas ri.

On ne rit pas du temps qui passe!

Je me sens dépassé par le temps, je le sens qui me joue des tours. J'ai toujours l'impression d'en avoir assez, du temps, jusqu'à ce que le FICFA se termine. Mais je me sens comme Augustin d'Hippone, quand il dit : « Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus... »

J'aime mieux vivre avec des regrets qu'avec des remords, mais idéalement ni avec l'un ni avec l'autre. Pourtant. Je regrette d'avoir manqué la séance Objectifs obliques. C'est la pire chose au monde que de manquer l'évènement que tu avais envie de voir, où tu t'attends à quelque chose de prodigieux. Parce que c'est le genre de soirée où tout peut arriver.

Il y avait sept duos créatifs : Bianca Richard et Étienne Boivin, Kevin McIntyre et Benoît Morier, Émilie Turmel et Nick Staples, Tracey Richard et Hyacinthe Raimbault, Simon LeBlanc et Paul Bossé, James Fitzgerald et Amanda Balestreri, Jonathan Sonier et Éric Arsenault. Le genre d'évènement avec des courts métrages créés dans l'urgence et avec des contraintes (dont un micro-budget de 500$); ce qui, selon moi, stimule d'autant la créativité des personnes talentueuses comme elles et eux.

Je voulais vraiment assister à cette soirée de projection. Mais à trop vouloir tout faire, je me suis fait prendre à mon jeu. Le temps m'a dépassé sur la Transcanadienne pendant que j'étais arrêté en chemin, comme un lièvre un peu trop confiant... J'étais gros jean comme devant...

Le temps s'en va, le temps s'en va, ma Dame
Las! le temps non, mais nous nous en allons
 (Ronsard, Sonnet à Marie, 1555)

Ben faque c'est ça : on ne rit pas du temps qui passe.

Huit jours, autant de nuits, et chaque seconde évanouie se fait amèrement regretter. Bummer.

Or, j'aurais voulu assister à la séance Objectifs obliques, mais trois réunions plus tard dans la même journée, terminées vers 20h et en retard que djâbe, j'avais surtout envie d'aller pleurer ma vie sur la difficulté de vivre, justement, avec toutes ces réunions infinies, à notre époque sitant pleine de temps perdu...

Si Proust le cherchait dans son temps, le temps, imaginez juste voir son visage horrifié, si je lui disais comment on choisit de vivre « dans l'instant présent », mais pour mieux passer son temps en interminables réunions.

De quoi faire brailler des statues en marbre, vraiment.



Grâce à la magie du FICFA, d'Angèle Cormier et des neuves technologies, j'ai quand même pu regarder les films présentés à Objectifs obliques. YAY!! Mais... comment dire... c'est pas pareil.

Il y a quelque chose qui se vit seulement en présence des duos de réalisateurs, avec l'animateur Philip André Collette, avec la foule dans la salle Bernard-LeBlanc du Centre culturel Aberdeen, entouré des murs noirs et des fantômes de la place.

Bref. J'ai aimé les sept courts métrages, j'en ai même préféré quelques uns dont je tairai le nom parce que « des goûts et des couleurs on ne discute pas ». Il fallait être là. Je dirai quand même ceci :
Le film de Bianca Richard et Étienne Boivin m'a fait sourire parce qu'ils ont en partie tourné les images sur ma rue, dans mon quartier, et que la lumière est fantastique.
Le film de Kevin McIntyre et Benoît Morier m'a pris par surprise avec la médium qui lit l'avenir dans les toasts... Avec un caméo de Lisa LeBlanc!
Le film d'Émilie Turmel et Nick Staples m'a transporté dans l'espace intersidéral où la poésie, l'infini, la gravitation et Dieu jouent aux dés avec Blaise Pascal, Stéphane Mallarmé et des astronautes.
Le film de Tracey Richard et Hyacinthe Raimbault m'a rendu contemplatif et admiratif devant les couleurs de la nature, sous une éolienne qui a dû choquer les spectateurs originaires d'Anse Bleue...
Le film de Simon LeBlanc et Paul Bossé m'a replongé dans ma fascination de longue date pour les champignons, ces êtres vivants étranges, à mi-chemin entre la mycologie et la mythologie.
Le film de James Fitzgerald et Amanda Balestreri m'a fait penser à la mort de nos proches, comment on gère ça, et comment la nature est un cycle.
Le film de Jonathan Sonier et Éric Arsenault m'a fait réaliser à quel point Marc Thériault (musicien et restaurateur connu de Moncton) est bon acteur, il transperce l'écran.

Sept propositions variées, novatrices, qui répondent à des contraintes issues du jeu de carte inventé par Brian Eno et Peter Schmidt en 1975 : Oblique Strategies, over one hundred worthwhile dilemmas.

Cette séance post-FICFA dans la solitude et le recueillement m'a permis de clore un cycle, un deuil. J'ai déjà hâte à l'année prochaine. Pas vous?

Mais cette fois, on ira ensemble, à Objectifs obliques, vous et moi. Deal?

Et d'ici là, je veux des pleurs et des lamentations pour encore quelques jours...! Parce que, vraiment, le temps, le maudit temps! qui passe et qui nous arrache aux bons moments, pour nous replonger en réunions, je commence à en avoir ma claque...

Moi aussi, des fois, j'aimerais chanter comme Jacobus (attention, succès souvenir) :


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