Triptyque Aberdeenien (2e partie)
TRIPTYQUE ABERDEENIEN (2e partie)
Intérieur
Galerie Sans Nom assis, un étrange sentiment ‘déjà vu’ me pigouille.
Occupant la
presque totalité du mur ouest de la galerie, karen’s bread shoes, une vidéo low-fi tournée en caméscope ben
ordinaire nous montre, en hand-held moyen-gros plan, un trajet pas ordinaire en
toute.
Un trottoir
montréalais.
Pied gauche pied
droit tour à tour envahissent le cadre.
Et ces deux pieds
sont chacun chaussés de.... tranches de pain !!
Une vaste
agglomération de tranches de pain blanc auxquelles toute valeur nutritive s’est
fait auparavant happer par les griffes de l’industrie agro-alimentaire. À
chaque pas, des miettes se détachent du soulier organique qui se désintègre à
vue d’œil. Pendant plusieurs minutes, le cycle de la piétonne se poursuit.
Parfois,
il y des pixels qui se heurtent, du dropout.
La marche
terminée, un plan large récapitulatif dévoile les innombrables traces farinées
du passage de la dame aux souliers de pain. Il s’agit de d’une performance pour
caméra instiguée en 2002.
Tout comme le prochain film, Neck Grip, où la protagoniste se « tresse » un genre de
collier cervical à partir de tranches après tranches de pain blanc. Enrichie.
Une approche
DIY, du no-wave vidéo presque. Et l’accoutrement de Spencer.
Wife beater et
pantalons cargo. C’est intense.
Étranglée par
notre pain quotidien.
Je sors de la
salle et bang ! voilà l’artiste devant moi : Karen Elaine Spencer.
En l’a
dévisageant, mon déjà vu revient en force.
Elle aussi
semble avoir ce look ‘where have I seen you before’.
Après deux trois
questions, ça nous revient tous les deux que j’avais filmé
une de ces
performances à Moncton, il y cinq ans, lors du festival jè-st.
Je lui demande
ensuite, question vaste, c’est quoi sa relation avec le pain.
Sa réponse est
très éclaircissante.
Spencer mentionne
qu’elle a eu l’idée de ses performances avec pain
lorsqu’elle
habitait dans une maison de chambres à Montréal.
Elle fixait les
dalles du plancher et voyait tout ce monde,
des gens démunis
surtout, piétinant la place.
Ses lectures
récentes de Karl Marx se sont manifestées à son cerveau.
La division du
labeur. La production. Les surplus. Le gaspillage.
Les rouages
mêmes de la machination industrielle.
Alors un jour,
Spencer a commencé à placer des tranches de pain sur ces dalles.
Et elle
observait ensuite le piétinement subséquent.
Les gens se sont
vite indignés qu’elle gaspillait ainsi ‘le pain quotidien’.
À quoi elle leur
a répondu, éloquemment,
« Why is it
OK to waste humans, but it’s not OK to waste bread ? »
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