Séances stratosphériques
SÉANCES STRATOSPHÉRIQUES
Pour paraphraser
une fameuse réplique dans The Godfather,
le VAM présente à cinq cinéastes « une offre qu’ils ne peuvent refuser ».
Soit non seulement la chance de réaliser un court-métrage, mais d’ensuite avoir
cinq musiciens hautes gammes pour improviser une bande sonore pour le film
résultant. En direct !
L’an dernier,
j’ai eu la chance de participer au premier cru de ces Séances éphémères, et c’était une expérience palpitante. Une vraie
fusion « Sound and Vision » (pour citer, cette fois, David Bowie). La
projection/création directe permet à un cinéaste de sortir, temporairement, de
sa petite boite noire préfabriquée et de se rapprocher de l’expérience
théâtrale des autres arts de la scène.
Samedi soir,
dans la salle Bernard-LeBlanc du Centre culturel Aberdeen, la foule a participé
allègrement à cette célébration oculo-musicale. Un nouveau twist dans la
programmation cette année : chaque film a été tourné à l’extérieur du
Canada. Haiti (Maxence Bradley), Japon (Carole Deveau), France (Émilie
Peltier), Belgique (Mathieu Léger) et Jordanie (Mathieu Laprise). Ce grand
voyage planétaire aurait facilement pu dérailler des musiciens moins
élastiques. Mais Brian
Coughlin, Marc Chops Arsenault, Andrew Creeggan, Jean Surette et Chris Belliveau
ont, collectivement, plus d’un siècle de création musicale entre eux. Ils sont
des spécialistes hors pairs de l’improvisation. Les cinq bandes sonores
concoctées par l’ensemble ont tous très bien collées avec le matériel source
des cinéastes. Tango, musique arabe, airs de flutes orientaux... les cinq as
ont tous navigué les courants souvent traitre du pastiche, sans jamais
renverser leur embarcation.
Côté filmique,
les cinq œuvres ‘muettes’ présentées par Bradley, Deveau, Peltier, Léger et
Laprise bénéficient tous d’une facture visuelle fort impressionnante. Vibrante
et recherchée. Le Haiti de Bradley nous saute aux yeux, chaque image qui se
succède aussi forte que la précédente. Deveau nous accueille dans une région
rurale du Japon en utilisant une surimpression graphique de panneaux
coulissants qui lui permettent alors de ‘mapper’ deux ou trois plans à
l’intérieur de son cadre ingénieusement divisé. Peltier s’attarde aux
mouvements gracieux, souvent sensuels, de la danse tango à Toulouse (avec un à
côté de breakdance). Léger, photographe chevronné, nous livre une partition
musicale photographique aux accents musique de chambre pour documenter un
trajet en train de Bruxelles à Charleroi. Et Mathieu Laprise filme
majestueusement les petits rituels quotidiens de la vie en Jordanie.
Tant de poésie et
de significations se recèlent dans ces images que l’absence totale de dialogues
ou de narrations n’importune aucunement les films. Un fil ethnographique
traverse les cinq court-métrages. Chacun des artistes choisit soigneusement les
détails, les rituels, les personnages qui traduisent le mieux leur milieu. Nous
sommes, carrément, dans le documentaire. Humaniste, en plus. Et généreux. Qui
met la barre haute pour les prochains artistes qui vont assurer la continuation
des Séances éphémères.
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